Testimony, récitatif
« Tout ce qui suit est basé sur les archives judiciaires des différents états. Les noms des personnes sont fictifs et ceux des villages et des villes ont été modifiés. »
Chacun des poèmes de Testimony puise dans les minutes d’un procès, aux Etats-Unis, au tournant du siècle. Pas un mot dans ces poèmes qui soit du poète. Pas un mot qui n’ait auparavant été une parole, prononcée devant un juge « par ceux qui ont vu, ou rapportée de ceux qui sont morts. » Des paroles lestées d’un irréductible poids de réel : c’est comme cela qu’ils ont vécu, la jeune mère italienne, le vieillard solitaire ; c’est comme cela qu’ils sont morts, le garçon dans la neige, le Noir dans la poussière. La poésie de Charles Reznikoff rallume ces voix éteintes, « comme de petites lampes sur la carte des Etats-Unis. »
Reznikoff a qualifié son oeuvre de « récitatif ». Il en souligne l’origine orale ainsi que la dimension musicale. Sur scène, Testimony est une remise en voix de ces « témoignages ». La voix de Victor Ponomarev, épaissie de l’expérience des plusieurs vies de cet acteur à la stature hors norme, redonne souffle à des paroles depuis longtemps inaudibles, qu’un poète obstiné avait su entendre et ramener du fond des archives indistinctes et muettes de la justice. La voix du piano de Sophie Agnel, étendu à un univers sonore inouï par l’introduction dans le corps même de l’instrument du prosaïsme le plus cru - objets, matières, artefacts -, qui « met le monde dans son piano ». Ces deux voix s’affrontent, font front : accords et désaccords, frottements et chocs, concorde ou discorde. Elles laissent entendre : la voix de ce poète qui « s’intéressait plus que nul autre à ce qui se passe réellement », et à travers elle, celles d’êtres, hommes, femmes, enfants, que la poésie seule sauve d’un oubli définitif.
Charles Reznikoff († 1976) fait partie des poètes qui, dans les années trente aux Etats-Unis, constituèrent le mouvement Objectiviste (La poésie présente l'objet pour transmettre la sensation. Elle doit être précise sur l'objet et réticente sur l'émotion). Testimony, son grand oeuvre inachevé, vaste recueil de près de 500 poèmes, fruit de décennies de travail, est une œuvre majeure de la poésie américaine du 20ème siècle.
Testimony, récitatif
d’après Testimony, recitative de Charles Reznikoff
traduction Jacques Roubaud et Marc Cholodenko
mise sur scène Henri jules Julien
piano Sophie Agnel
verbe Victor Ponomarev
lumière Jean-Luc Chanonat
amplification Etienne Foyer
avec le concours de Michel Rose
production … & alters
coproduction TNT Manufacture de Chaussures Bordeaux, CCAM scène nationale Vandoeuvre-les-Nancy, Maison de la Poésie Saint-Quentin-en-Yvelines. Avec l’aide à la production d’Arcadi. Avec l’aide de l’ADAMI et de la SPEDIDAM